Hellade est un récit de voyage en Grèce effectué en 2005, une forme de journal culturel, une interrogation sur la transmission et sur la possibilité d’une éthique humaniste. Pourquoi sortir des images, des visages, des mots de l’oubli ? Train, bateau, marche…, nous avons voyagé vers les sources de notre culture, recherchant le fond de l’humain, un universel, la Toison d’or. Entre prose et poème, le récit se souvient pour tracer un chemin.
L’Europe d’aujourd’hui ne cesse de réclamer à la Grèce sa dette sur le plan économique, financier. Mais la dette infinie que l’Europe a contractée à l’égard de la Grèce sur le plan culturel, humain, pourquoi l’oublie-t-on, l’efface-t-on de nos vues ? Hellade, à son humble manière, cherche à rappeler tout ce que nous devons au pays de la démocratie, des poètes, des philosophes, des artistes, au pays où il n’était de vraie richesse que de culture.
Extrait
Nos rêves nocturnes ont été bercés par les flots. Derrière le rideau, à travers le hublot, un monde se levait. Au matin, dans la brume, nous longeons les côtes. Souvenir d’Ulysse. La mer, la terre et le ciel. « Présent du vent, présent du soleil, présent des oiseaux »[i]. Quelques voyageurs matinaux regardent à l’arrière du navire, le visage offert au jour naissant. Tout est en l’un.
« Ah ! le monde est plein de merveilles ! »[ii]. Regarder, écouter, se taire. Nous sommes tout à coup si loin de la cacophonie de notre civilisation, si près du murmure de la lumière. Une vie d’aventure s’ouvre inexplicablement à nous. C’est dimanche sur les eaux du bonheur.
Aimer et chanter tant que la vie ruisselle en nous. Au ciel brillent des pétales de possibles. « Le Poème est comme l’Amour »[iii]. Bientôt la brume s’estompe et ne reste plus que le soleil. Des pas, souvent rapides comme ceux d’adolescents, vont et viennent dans les couloirs. À la radio résonnent toujours, porteurs de clarté, des chants grecs. Dans quelques heures nous arriverons au pays d’Hésiode, de Pindare, d’Euripide. De nouveau je regagne le pont. Tu te penches vers l’écume et me parles du temps qui passe. « Je chante les vents dans le ciel et sur la terre / Je chante les hommes libres / Je prie pour les hommes malheureux »[iv].
[i] Olga Votsi, trad. : Bernard Grasset, Et soudain tu te trouves comme les oiseaux.