Pourquoi j’ai écrit ce livre :
Lorsque l’on m’a proposé d’écrire un livre sur Pascal pour la collection Connaître en citations des éditions Ellipses, destinée aux étudiants et à toutes les personnes souhaitant s’initier à un auteur majeur en laissant résonner ses paroles mêmes, je n’ai pas tardé à donner mon accord, quand bien même j’avais d’autres projets d’écriture en attente. Pourquoi ? D’une part parce que Pascal est un auteur passionnant avec lequel je séjourne beaucoup depuis la thèse que je lui ai consacrée, d’autre part parce que je trouve ce chemin d’entrée dans l’œuvre d’un grand penseur, d’un grand écrivain, à partir de citations jugées essentielles tout à fait éclairant. J’étais habitué à tirer des œuvres de poètes, de philosophes, d’écrivains, que je fréquentais, des citations qui me semblaient décisives, de portée universelle tout en parlant à mon cœur et mon esprit, comme une sorte de florilège éclairant l’existence. Sur Pascal, pour la raison évoquée plus haut, je disposais d’un matériau riche permettant d’envisager sereinement l’écriture d’un livre fondé sur un choix de cinquante citations parcourant les différents visages de sa pensée. Ainsi est né, après un long labeur, ce livre, « Pascal », dans la collection Connaître en citations.
Compte tenu de l’esprit de cette collection, j’ai conféré une dimension pédagogique à l’ouvrage tout en m’efforçant d’en faire un exercice d’écriture de telle sorte qu’il soit à la fois un livre destiné à enseigner et un livre qui possède son style propre, un livre qui soit autant d’écrivain que de pédagogue. La préface, constituée d’une biographie en une quinzaine de pages de Blaise Pascal, a été aussi l’occasion privilégiée d’essayer de concilier les deux dimensions.
En résumé, dans ce livre sur Pascal, j’ai eu pour horizon de concilier science, enseignement et travail sur le langage.
Extrait :
« Il n’est ni ange ni bête, mais homme. »
(Pensées) (Fragment 453 S)
Idée :
Qu’est-ce que l’homme ? Telle est la question essentielle qui traverse toutes les Pensées. Pascal donne ici des éléments de réponse en définissant l’être humain par ce qu’il n’est pas. L’homme n’est ni un être purement vertical, ou seulement horizontal, ni une créature uniquement terrestre ou céleste ; il est à part, entre deux opposés.
Commentaire :
Pascal, nous l’avons vu, entend arracher les masques, dénoncer les illusions, afin que se dévoile l’essence même de notre condition. Plus on a de lumière, plus on reconnaît « et grandeur et misère en l’homme ». (155 S) L’homme mis à nu est un être misérable, plein d’amour-propre, de volonté de dominer, injuste, mais aussi inexplicablement grand. Il y a en l’homme deux principes majeurs, l’un de misère, l’autre de grandeur. (182 S) L’homme est fondamentalement un être de contrariétés, un être contradictoire. Afin d’illustrer cela, Pascal recourt aux symboles opposés de l’ange et de la bête. Misérable et grand, l’homme se place entre la bête et l’ange.
« L’homme n’est ni ange ni bête, et le malheur veut que qui veut faire l’ange fait la bête. » (557 S) Faire l’ange, c’est oublier sa misère, sa corporéité, sa finitude et le paradoxe est que, lorsque l’on veut ainsi s’élever, on s’abaisse. La place, singulière, unique, de l’homme se situe entre la créature purement céleste et la créature purement terrestre. Il est au milieu de deux mondes, le terrestre et le céleste, et participe de l’un comme de l’autre. Le danger de la pensée sur l’homme est à la fois de trop le ramener à l’animal et de trop l’identifier à l’ange. Pascal s’insurge aussi bien contre ceux qui soulignent à l’excès notre grandeur, tels les stoïciens, que contre ceux qui nous ont rendus semblables aux bêtes, tels les sceptiques ou les épicuriens.
L’homme doit savoir qu’il n’est pas plus égal aux bêtes qu’il n’est égal aux anges. (154 S) Ainsi s’exprime l’auteur des Pensées dans la liasse Contrariétés. La juste connaissance sur l’homme, la bonne représentation, embrasse les contraires, n’efface ni l’un, ni l’autre. La puissance de la pensée pascalienne se révèle dans sa capacité à tenir ensemble ce qui, à un premier regard, paraît inconciliable.
Paris, Éditions Ellipses, Collection Connaître en citations, 2017