"A quoi serviraient tous ces livres si, en leur noyau, ils n'étaient cet acte d'amitié par lequel les humains se parlent pour se donner, de l'un à l'autre, des mots qui aident à vivre : des mots porteurs de sens. (...) Un livre, qu'on le lise ou qu'on l'écrive, doit être proche dans la vie. On doit pouvoir à chaque page lever les yeux sur le monde ou se pencher sur un souvenir pour un vérifier le texte. J'entends par là que lire n'est pas un loisir, c'est un labour. Chaque phrase doit retourner l'âme du lecteur pour y semer, au profit des racines qui dorment en nous.
(...) Je ne puis m'empêcher de penser que chaque être humain est un livre pour quelqu'un ou pour quelques uns. En ce sens, l'ère du livre a dû commencer longtemps avant l'écriture. On devrait trouver dans un livre ce qu'on devrait trouver dans une personne. Une illumination plus ou moins bien révélée.
Quant à l'écrivain, c'est quelqu'un de fasciné par les profondes sources de la vie, et qui n'écrit que par inadvertance. Il ne peut pas ne pas formuler ce qu'il devine afin de le vivre."
Gilles Bernheim Quarante méditations juives Stock, septembre 2011