Pourquoi j’ai écrit ce livre :
J'ai écrit ce livre en réponse à l'inflation des images dans le monde actuel. La dextérité technique mise à fabriquer de telles images porte uniquement sur la capacité à saisir l’apparence et à vouloir l’imposer à soi et aux autres. Apparence où les personnes et le monde lui-même perdent leur secret qui est aussi celui de leur rapport à l’invisible ou à la transcendance, c’est-à-dire à une altérité qui échappe à ce que nous pouvons ou croyons saisir par des images. Sous prétexte de braver tous les interdits et de célébrer la transparence, la revendication d’un “droit” aux images, sous peine de censure, se veut en effet sans limites morales ou métaphysiques mais, dès lors, elle perd aussi l’essentiel : la relation à l’invisible ou encore à l’absence qui donne pourtant son sens à toute image digne de ce nom.
Extrait : (à propos de l'être humain à l'image (tselem) de Dieu)
"Celui qui regarde un autre être humain ne voit pas cette image-là, elle reste à l’ombre, s’il est vrai qu’il lui arrive d’en pressentir le secret, de désirer s’en approcher et de lui répondre, voire d’en répondre dans sa vie propre. Quant à celui qui éprouve parfois en lui-même cette unité (donnée par cette image) sans pouvoir jamais s’en saisir, il découvre qu’elle n’a rien à voir avec l’image qu’il lui arrive de vouloir donner de lui-même, qu’elle reste toujours étrangère à l’image extérieure qu’il cherche à imposer aux regards des autres pour les convaincre, et se convaincre, de son identité (sexuelle, culturelle, religieuse par exemple). Tselem n’est pas ce que je peux me figurer à propos de moi-même ou d’autrui, ni en images mentales ou linguistiques, ni en images peintes ou gravées : c’est ce qui, de chaque être humain, reste dans l’ombre pour qu’il reste humain".
Éditions Actes Sud, collection le souffle de l’esprit
Parution Novembre 2017