Le mot de l’auteur :
Dans la série consacrée par les Éditions Arfuyen à la spiritualité hassidique, je présente la pensée d’un rabbin de nos jours encore très étudié en Israël pour son originalité. S’il cherche en effet, comme tant d’autres, à penser et à décrire comment l’âme humaine peut parvenir à se réconcilier avec la source divine - tâche essentielle pour lutter contre la violence du monde - il le fait de façon singulière. Il met ainsi en question la croyance commune au libre-arbitre en expliquant qu’elle ne vaut que pour un monde dont Dieu est absent. Le philosophe Spinoza considérait déjà le sentiment de jouir d’un libre-arbitre comme une illusion et il confiait à la raison le soin de dissiper ce mirage. R. Leiner confie quant à lui cette tâche à une vie au diapason de ce que demande la Torah et aux instants personnels d’illumination. La vraie liberté consisterait à s’unir de cette façon à la force divine et à la faire sienne par amour. Recevoir la Torah, ce serait découvrir pas à pas une telle vérité.
Au cœur d’un monde où le vertige du mal saisit quiconque est doué d’un peu de conscience, et où tant d’enseignements de la Torah sont contredits, beaucoup en concluent à l’absence de Dieu. R. Leiner ne le nie pas mais certaines personnes, dit-il aussi, s’ouvrent encore à Dieu et elles perçoivent alors le monde autrement. Non pour le fuir au plus vite et s’approcher de la lumière qu’elles entrevoient en l’abandonnant à ses turpitudes, mais pour le transformer, envers et contre tout, en une demeure pour Dieu ici-bas. Projet hassidique par excellence, projet qui ne nécessite aucune arme sauf celle de la prière et de l’étude.
Extrait :
« Vous serez saints car Je suis saint, moi l’Eternel votre Dieu » (Lv 19, 2).
« Ce langage est celui d’une invitation, l’Eternel attire l’attention des enfants d’Israël afin qu’ils se sachent invités à se sanctifier et qu’ils soient toujours prêts à ce que le Saint, béni soit-Il, les sauve et éclaire leurs yeux par des paroles de Torah, ‘car Je suis Saint ’. Cela signifie que l’Eternel leur dit qu’il ne cessera jamais de les inviter et qu’en retour Israël doit se savoir invité et se tenir prêt pour accueillir le Saint, sans se faire du souci pour les choses de ce monde-ci. Ainsi que le dit le proverbe, «la bonté et la vérité ne te quitteront jamais » (Pr 3, 3). Il n’est pas dit en effet « que tu ne les quittes pas ». L’être humain (haAdam) doit toujours se tenir devant le Saint, béni soit-Il, en espérant qu’Il éclaire ses yeux pour qu’il perçoive l’influx de la bonté de Sa vérité. Cette bonté-là est éternelle. Elle atteint l’être humain qui aspire à elle, elle ne quitte jamais celui qui désire que les paroles de la Torah soient inscrites dans son cœur (bélivo). Il faut donc prendre grand soin à ne pas tourner le dos à l’Eternel et à se tenir debout face-à-face avec Lui ». (Méi haChiloah, Les eaux de Siloé, t.1, p.76)
Arfuyen, 2020.