Pourquoi j’ai écrit ce livre :
Sur Paul de Tarse, les avis divergent. Tantôt fanatique, misogyne, antisémite, doctrinaire, Père-la-morale. Tantôt précurseur génial à l’inventivité inouïe, pourfendeur des identités fermées et des communautarismes. Bref, l’homme de tous les scandales : celui de la toute première annonce d’une nouvelle folle et celui à qui beaucoup gardent un chien de leur chienne. Chien méchant.
J’ai choisi de lui écrire personnellement pour faire la part des choses et aller à la rencontre neuve de son énigme. Histoire de lui dire mon admiration et ma perplexité.
Des zones d’ombre traversent sa biographie : autant d’invitations à le lire entre les lignes, à laisser jouer mon imagination, à tisser son actualité et la nôtre. Son monde est loin de nous. Et si étonnement proche.
Paul est l’inventeur d’une langue devenue pour beaucoup lettre morte. Lui écrire est ma façon de réduire la distance entre son langage et le nôtre. Je tente d’échanger nos mots, de jeter les miens dans les siens.
Ces lettres, en réponse aux siennes, sont un exercice de débroussaillage, de re-création.
Extraits :
- T’écrire est une fiction pour élargir l’écoute : il doit y avoir moyen de deviner tes inflexions, le souffle de tes phrases, la musique de tes mots compliqués, de quitter la langue morte de tes formules passablement rouillées. Je me promène dans la forêt de tes mots difficiles. Beaucoup s’y perdent. Par-delà les abstractions, je guette le bruissement de ta langue.
- Rien n’y fait, Paul, les femmes ont durablement la dent dure contre toi. Si tes commentateurs ne manquent pas, à ma connaissance, aucune femme n’a entrepris une correspondance en résonance à tes mots. Avec moi, demande-toi pourquoi.
- Nous aurions pu ne jamais nous croiser et voilà que je te lis et imagine te répondre. S’il y a un grand large, une jeunesse possible, c’est sur tes chemins de traverse. Ton « trésor » n’a pas fait naufrage avec toi. Couvert de scories, de boue séchée, il luit à travers des vases ébréchés, fêlés, brinquebalants. Inoubliable.
Publié le 9 mars 2018 aux Editions du Cerf
Claude Plettner est journaliste, écrivain et théologienne, a notamment publié Le corps bouleversé, choisir le célibat (Desclée de Brouwer), des lettres à Thérèse d’Avila Chère Thérèse d’Avila qui ont donné lieu à une adaptation théâtrale, L’Autre christianisme, et avec Véronique Margron Fragiles existences et Solitudes nuit et jour (Bayard).