Roger Bichelberger, ancien président de l’association dirige la revue chrétienne "Vie et Fraternité Marianistes".
Le numéro 510 (juillet-août-septembre) de la revue mensuelle de vie intitulée "Vie et Fraternité Marianistes" que je dirige depuis un certain nombre d'années est partiellement consacré au thème de la miséricorde. Karima Berger, présidente d'Ecritures & Spiritualités y publie l'article ci-dessous qui montre combien le thème de la miséricorde est essentiel dans l'Islam, au point qu'elle a pu intituler son texte "Le manteau de la miséricorde". Qu'elle soit ici remerciée pour cette page lumineuse qui permettra de mieux poursuivre le dialogue entre nous, membres de cette association que j'ai moi-même dirigée naguère, à la suite du fondateur Olivier Clément et de la regrettée France Quéré, alors qu'elle s'appelait encore "Association des Ecrivains Croyants d'expression française" (AECEF).".
Roger Bichelberger
Le manteau de l’existence
La miséricorde ouvre le Coran avec le premier verset de la Fâtiha, première sourate : « Au nom de Dieu : Le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux » et rythme de son souffle redoublé chacune des cinq prières quotidiennes.
« La miséricorde dépasse les frontières de l’Eglise» dit le pape François, « ces invocations se retrouvent sur les lèvres des musulmans qui se sentent accompagnés et soutenus par la miséricorde dans leur faiblesse quotidienne». Lors d’une audience à laquelle j’ai eu la chance de participer je l’ai remercié et lui ai dit combien ce choix de la Miséricorde fait du bien au monde musulman qui dans la douleur accouche de son histoire contemporaine, c’est un mot qui fait pont entre l’islam et le christianisme.
Le mot arabe de Miséricorde provient de la racine sémitique RHM – matrice -. Celle-ci fait du Rahman un Dieu qui a pour ses créatures des entrailles de mère. La première Rahma qu’il nous a accordée est notre existenciation, en nous sortant des ténèbres vers la lumière, nous tous, la chaîne de filiation depuis Adam et Abraham étant ininterrompue.
« Par quel moyen L’aurions-nous connu s’il ne nous avait revêtus du manteau de l’existence » ? nous rappelle l’Emir Abdelkader cette immense figure de l’islam. C’est de son souffle que nait l’univers, que le monde subsiste et c’est à lui que nous retournons « ô âme apaisée, retourne vers To seigneur ».
« Ton Seigneur est celui qui pardonne : Il est le Maître de la miséricorde ». Dieu aime celui qui se repend mais ce pardon n’est dit-on qu’un simple mouvement intérieur, l’islam ignorant les sacrements. Mais c’est bien là que se loge la responsabilité du croyant, ce « simple » mouvement insuffle au croyant un désir intime de vérité, sans témoin autre que son seigneur : "Lis ton livre, il te suffit d'être ton propre juge ». C’est le cœur qui est le réel sacrement. Sa « miséricorde embrasse toute chose » et la Rahma doit être la règle entre les hommes : « Repousse le mal par le bien».
Mais aujourd’hui n’est-ce pas à nous, en ces temps sombres, de lui accorder Miséricorde ? Lui si maltraité, n’est-ce pas à nous de mettre au vivant notre foi (au sens de vivifier) et ainsi le rendre vivant en soi, loin des pulsions mortifères. Se rendre vivant, se rendre signe Vivant, en lui. Chacun à sa manière ! La pluralité de nos manifestations le ravit ! Ecoutons l’Emir Abdelkader: « Si tu penses qu’Il est ce que croient les diverses communautés -musulmans, chrétiens, juifs, mazdéens, polythéistes et autres- Il est cela et Il est autre que cela ! Et si tu penses et crois ce que professent les Connaisseurs par excellence -prophètes, saints et anges-, Il est cela ! Il est autre que cela ! Aucune de ses créatures ne L’adore sous tous Ses aspects ; aucune ne Lui est infidèle sous tous Ses aspects. Nul ne Le connaît sous tous Ses aspects ; nul ne l’ignore sous tous Ses aspects. »