Pourquoi j'ai écrit ce livre ?
C’est un livre de fidélité à Mgr Bernard Lalande qui fut secrétaire du cardinal Suhard de 1945 à sa mort en 1949, et premier délégué international du mouvement catholique pour la paix Pax Christi, fondé dans la sillage théologique et pastoral du Cardinal pour qui la paix est aussi un terrain missionnaire. J’ai voulu répondre au souhait que Bernard Lalande, homme effacé et discret, avec qui j’ai travaillé à Pax Christi, m’a exprimé, à plusieurs reprises, et quelque temps encore avant sa mort : « Ecris Jean-Pierre, écris ! »
Mon ouvrage sur le Cardinal Suhard présente cet évêque audacieux qui a laissé en temps de guerre et en temps de paix un sillage théologique et pastoral dont toutes les inspirations ne sont pas encore épuisées. Il s’agit, en fait, du tome 3 d’une série. Le premier tome, écrit avec Michel Rougé, raconte le combat du P. Bernard Lalande pour remettre la paix au cœur du message chrétien après la guerre et dans les grands textes conciliaires. Le second tome trace le portrait de Bernard Lalande, « prêtre dans la cité », portrait croisé avec le témoignage de Jacques, son frère bénédictin, le contemplatif, et celui d’André, son frère, résistant, Compagnon de la Libération.
Jean–Pierre Guérend
Le cardinal Suhard, archevêque de Paris, a laissé le souvenir d’une personnalité hors du commun, alliant un classicisme doctrinal à toute épreuve et une audace pastorale sans précédent. le Cardinal a dû affronter cette tension entre ses deux fonctions de docteur de la foi et de pasteur de son peuple. Comme l’écrit Émile Poulat dans la préface : « La réflexion entre pasteurs, théologiens et militants aurait tout à gagner si elle se faisait accompagner par un autre type de réflexion, celui que mettent en œuvre les sciences sociales et historiques. » Cet ouvrage apparaîtra comme un pont jeté entre les deux rives. Redonnant toute sa place à la modernité pastorale et missionnaire du cardinal Suhard, il repose en partie sur des recherches personnelles poussées dans des sources inédites, sur les traces d’une action pertinente, discrète, secrète en faveur des victimes, à commencer par les juifs.
Extrait
"Emmanuel Suhard surprenant, déroutant. Enfant, le curé du village ne le voit pas devenir prêtre et pourtant il revient de Rome avec la fameuse médaille de la Grégorienne que son condisciple Pacelli, futur Pie XII, n’obtiendra pas. Nommé au Grand séminaire de Laval, beaucoup le considèrent professeur à vie, homme de bureau, et s’étonnent quand il devient évêque. Nommé archevêque de Paris, certains font la grimace : saura t-il comprendre, lui le rural à l’accent paysan, les problèmes urgents de l’apostolat moderne dans une si grande métropole… Et pourtant, par ses nombreuses fondations apostoliques, il innove. Affronté aux graves problèmes de l’Occupation, à la tête de l’épiscopat français, incompris par certains à la Libération, Emmanuel Suhard s’impose par sa hardiesse théologique et pastorale et son autorité morale s’affermit d’année en année. Lorsqu’au lendemain de sa mort, ceux qui avaient suivi avec espoir le mouvement missionnaire, animé et dirigé à Paris depuis dix ans par Emmanuel Suhard, commencèrent à dresser le bilan de son épiscopat, le sentiment a été l’étonnement. Plus de soixante ans après, on est toujours frappé par la diversité des initiatives, leur audace et l’élan missionnaire qu’elles ont donné.“
Cardinal Emmanuel Suhard, archevêque de Paris (1940-1945), Temps de paix, temps de guerre, passion pour la mission, Jean–Pierre Guérend, Préface d’Emile Poulat, Le Cerf, octobre 2011, 380 p., 27 €.