Après soixante années partagées d’entente et de dialogue, mon époux s’en est allé vers l’éternité. Puis la COVID et le confinement ont fait éruption ; ce fut pour moi double peine. Je m’interrogeais : comment nos prédécesseurs ont-ils réagi lors de crises importantes.
C’est à François Mauriac que je pensais en premier. Orphelin de père, subissant les deux guerres mondiales, son fils ainé attrapant la grippe espagnole, risquant l’arrestation par la Gestapo après la parution du « Cahier Noir » comment avait-il réagit ? Quelles furent ses peurs ? Ses gémissements ? Rien de tout cela : ses seules craintes étaient la montée des totalitarismes, l’humanisme menacé, l’incertitude religieuse, le doute philosophique. Et même lorsqu’il fut opérée d’un cancer de la gorge il écrivit : « Prière pour le bon usage des maladies ». En ces crises redoutables la seule riposte fut son écriture ; avec ses romans, avec le Bloc-Notes, il se bâtit contre le conformisme de son milieu, leur hypocrisie, le Péché et le Mal.
Et aujourd’hui je pense à Tanella Boni avec laquelle j’ai préparé à L’UNESCO un forum sur la Métamorphose du monde. Avec des romans, des essais, des nouvelles, des poèmes, cette philosophe ivoirienne construit un immense monument fait de dialogues, de tolérance et de Paix.
Ces exemples sont pour moi une forteresse contre la sidération et la dépression.
Monique Grandjean, novembre 2020