Présentation et traduction du grec moderne par Bernard Grasset, Châtelineau (Belgique)
Pourquoi j’ai écrit ce livre :
Il y a près de 20 ans, Renée Jacquin, traductrice et ancienne rédactrice en chef de la revue de culture hellénique Ho Lukhnos, m’adressait, tapés à la machine à écrire, les poèmes d’Olga Votsi qui avaient été refusés par son éditeur, non pas en raison de leur qualité littéraire moindre mais parce qu’ils avaient été jugés trop mystiques. Regrettant leur absence de son anthologie, elle me les confiait, comme d’aucuns jettent une bouteille à la mer. Après les avoir lus, j’ai rangé soigneusement ces poèmes et laissé le temps du mûrissement passer. Quelques années plus tard, j’en ai proposé la publication d’extraits en revues. Comme je les relisais, je me disais qu’en retravaillant la langue de traduction de Renée Jacquin, on pouvait donner encore plus de force poétique à ces poèmes d’Olga Votsi. Par ailleurs le qualificatif de mystiques ne me semblait pas réellement approprié : c’étaient plutôt des poèmes de nature métaphysique qui cherchaient derrière la nature le souffle de la surnature, par-delà le fini l’infini.
Si je connaissais le grec ancien, appris à l’âge adulte, j’ignorais le grec moderne qui en est assez différent. Me plongeant dans l’étude, avec dictionnaires et grammaires du grec moderne, j’ai retraduit les poèmes qui m’avaient été confiés et auxquels j’ai ajouté d’autres poèmes choisis librement dans les œuvres poétiques complètes d’Olga Votsi. L’ensemble a été réuni sous le titre de L’escalier, Poèmes métaphysiques. Tout en me montrant attentif à la lettre, je me suis efforcé de restituer le souffle poétique d’Olga Votsi, figure originale et authentique de la poésie grecque contemporaine.
Extraits :
Il y avait l’amour[1]
Il y avait le merveilleux battement de grandes ailes,
entouré comme d’une quiétude céleste,
la fleur unique qui vibrait contre le mur du Malheur.
Il y avait l’amour de l’homme.
Une infime ligne blanche comme écume, passagère,
emporte aujourd’hui en son miracle de vie le Malheur rebelle
qui voulait tout entier se cacher dans sa tendre clémence,
sa pure blancheur,
pour se métamorphoser, lui aussi, en blanc dans l’aube nouvelle.
[1] L’Estrade (1988).
Le grand infini[2]
Dans les cavités des grottes,
les sombres anfractuosités des rochers,
sous des ombres gigantesques
brillent par milliers les yeux de la vie,
or inestimable,
silencieuse mer stellaire.
Sans voix, ils restent immobiles
à travers les brèches des ténèbres,
dans leur silence de miel,
la muette fougue de l’émerveillement,
car au fond d’eux se sont arrêtés
le Grand Infini,
le Vaste Monde.
[1] Poèmes épars (1994).
Liberté[3]L
Dans la vaste mer de ta liberté tu vogues
avec pour unique voile ton âme,
ta volonté.
Ton ami de toujours, le ciel,
ne t’abandonnera jamais,
jamais dans les rochers ne t’écrasera.
[1] Poèmes épars (1995).
Éditions Le Taillis Pré - 2018