Pourquoi j’ai écrit ce livre :
Le sens de toute existence tient à la quête de la vie en plénitude. Ce que, tous, nous recherchons, c’est de nous sentir pleinement vivants.
Mais, immédiatement, des questions surgissent. Qu’est-ce qu’être pleinement vivant ? Comment se fait-il que nous n’ayons pas accès à cet état de façon spontanée ? Et, surtout, comment l’atteindre ?
Depuis que les êtres humains ont accédé à la conscience d’eux-mêmes, ils ont apporté à ces questions des réponses très variées. La culture occidentale contemporaine, comme toutes les autres, tente de répondre à ces interrogations. Comme toutes les autres, elle valorise tel ou tel aspect de l’existence, telle ou telle expérience, et les désigne comme des clés, ou des portes d’entrées, vers l’expérimentation de la vie absolue.
Néanmoins, à mon sens, deux grandes caractéristiques la distinguent : elle s’est détachée de tout référent transcendant et place son espérance dans les progrès des technologies.
Autrement dit, le salut ne peut que s’accomplir ici-bas, et il prend de plus en plus la forme d’une sacralisation absolue de la subjectivité. Comme un petit dieu aristotélicien, il s’agit de jouir de soi-même sans entrave, dans une pleine transparence de soi à soi. Tout ce qui peut venir troubler cette jouissance narcissique doit être, d’une manière ou d’une autre, congédié.
Quant au second point, il engendre désormais des comportements hautement contestables : les progrès des biotechnologies permettent désormais d’appliquer sur l’enfant à naître, dès le premier stade de sa conception, des grilles de lecture permettant de juger a priori ce que serait son « potentiel de bonheur » – de décréter s’il a, ou non, le droit de voir le jour.
Mais qu’en sait-on en réalité ?
Au nom de quoi s’arroger ce droit de vie et de mort ?
Car, au fond, la conception de la vie qui permet de trancher si radicalement le fil d’existences n’ayant pas même eu le temps de prendre forme reste largement non questionnée.
Plutôt que de me consacrer à une entreprise critique, j’ai préféré m’atteler à une tâche qui me paraissait beaucoup plus belle, et plus constructive : m’interroger sur la manière dont la tradition judéo-chrétienne conçoit la vie du Dieu qu’elle révère, ce Dieu qu’elle désigne régulièrement comme le « Dieu vivant ». Car s’interroger sur la manière dont ce Dieu est vivant, c’est s’interroger sur la vie que, selon cette tradition religieuse, nous sommes tous appelés à partager – une vie qui accomplit notre dimension relationnelle.
Extrait :
La source de notre personne n’est pas en nous-mêmes : elle est dans ce regard d’amour que rien ne peut rebuter, dégoûter ou décourager. Fonder l’universalité de la réalité personnelle des humains ne réside donc pas dans la simple croyance que tout être humain est une personne – car il est en effet, dans certains cas, bien difficile de le croire – mais dans la croyance que quelqu’un portera toujours sur lui un regard d’amour inaltérable. S’ancrer dans cette croyance fait que si nous pouvons douter que tel ou tel est une personne, nous ne doutons pas qu’un autre que nous le (re)suscite en permanence ainsi. Cet « Autre » constitue le principe et la source de tout « être en relation », quand bien même il n’aurait jamais pu articuler la moindre parole, ou conçu la moindre pensée.
Éditions Salvator, Août 2018